SAINT-FRANÇOIS-DE-SALES (quatrième partie)

Saint-François-de-Sales – (Quatrième partie)

Un texte de Claude Lavoie

1  –  Introduction

L’histoire de l’ancienne municipalité de Saint-François-de-Sales recèle différents faits qui n’ont que très peu attiré l’attention. Dans la dernière édition de l’Envol, nous vous avons informé du projet de créer une autre municipalité, d’Aresville. Ce projet prit fin en 1958 lorsque Saint-François-de-Sales devint la ville de Saint-François lui permettant d’acquérir de nouveaux pouvoirs. Le secteur d’Aresville est aujourd’hui enclavé dans le territoire de la paroisse Saint-Noël-Chabanel. Noël Chabanel (1613-1649) était un prêtre jésuite qui fut envoyé dans la baie Georgienne avec cinq autres religieux pour évangéliser les Amérindiens. En 1649, ils furent torturés et tués. En 1925, Pie XI les béatifia et ils devinrent les « martyrs canadiens » qui comprenaient : Jean de Brébeuf, Antoine Daniel, Charles Garnier, René Goupil, Isaac Jogues, Gabriel Lalemant et Noël Chabanel. L’église de cette paroisse fut construite en 1961 par la firme « Sauvé Construction » qui suivit le plan de l’architecte André Richtot.

 

Dans cet Envol, je présente d’autres faits surprenants. Vous lirez le projet de tenir l’Expo 67 à Saint-François-de-Sales ou à Duvernay. L’histoire de l’île aux Vaches et de l’île Saint-Pierre est aussi intéressante. En parlant d’îles, voici une question piège : combien d’îles se trouvent dans la rivière des Mille-Îles ?

Tout près de l’île Saint-Pierre se trouve l’île aux Pruches. C’est à cet endroit que Jean-Guy Lavigueur avait fait construire son château après avoir gagné un gros lot de Loto-Québec.

Bonne lecture.

L'église Saint-Noël-Chabanel

2  –  L’Expo 67 a failli se dérouler sur l’île Jésus

L’activité la plus importante des festivités soulignant le centenaire de la Confédération canadienne (1867) fut certainement l’Expo 67 tenue à Montréal. Son logo a été dessiné par l’artiste montréalais Julien Hébert. Chaque élément du motif est un ancien cryptogramme représentant l’homme debout, les bras tendus. Les paires représentent l’amitié universelle encerclant le Monde. Saviez-vous que cet événement mondial a failli se dérouler sur l’île Jésus ? En effet, les anciennes municipalités de Duvernay et de Saint-François ont présenté leur candidature et ils firent partie des finalistes.

L’Expo 67 était censée se tenir à Moscou qui avait devancé Montréal par seulement deux voix lors du scrutin tenu à Paris en 1960. Cependant, peu après, la Russie retira sa candidature. Le 13 novembre 1962, Jean Drapeau, maire de Montréal, réussit à convaincre le « Bureau des expositions internationales » de choisir Montréal en la présentant comme une ville cosmopolite d’origine française, située à la croisée de grandes routes maritimes, ferroviaires, routières et aériennes. À la suite de cette décision favorable, la Chambre des communes du Canada crée la « Compagnie canadienne de l’exposition universelle de 1967 » en vue d’assurer la préparation, l’organisation, la réalisation et l’administration de l’Exposition universelle de Montréal.

Le Canada assume 50% du budget, Québec, 37,5% et Montréal, 12,5%. Il s’agissait de la première exposition de ce genre en Amérique du Nord. Paul Bienvenu devient le commissaire général, Cecil Carsley sous-commissaire général et Claude Robillard, directeur général. Cette équipe choisit de démissionner au début de 1964, étant en désaccord avec le fait de tenir l’Expo sur des îles au milieu du fleuve ; une idée avancée par Jean Drapeau. C’est probablement à ce moment que Saint-François et Duvernay furent éliminés. Plusieurs sites sont proposés pour tenir l’Expo 67, mais les organisateurs en retiennent seulement quatre : Pointe-Saint-Charles, Ville La Salle, le parc Maisonneuve et le nord-est de Montréal. On comprend que Duvernay et Saint-François se trouvent au nord-est de Montréal.

En mars 1963, Jean Drapeau annonce que l’Expo 67 se tiendra au centre du fleuve Saint-Laurent mettant ainsi fin aux espoirs de Saint-François et de Duvernay. Examinons plus attentivement ces deux candidatures.

2.1  –  Candidature de Saint-François

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Charles-Édouard Campeau

Le 5 avril 1960, le Conseil de la ville de Saint-François autorise son maire à se rendre à Ottawa pour effectuer les représentations nécessaires en vue d’obtenir la tenue de l’exposition mondiale de 1967. Le député de l’ancienne circonscription fédérale de Saint-Jacques, Charles-Édouard Campeau (1916-1992) militait pour que cette exposition se tienne dans l’est de Montréal. Il prononçait des conférences sur les avantages de tenir cette exposition et avait probablement rencontré les élus de Saint-François. Campeau s’est rendu à Paris avec Sarto Fournier (1908-1980), pour présenter la candidature de Montréal. Sarto Fournier fut maire de Montréal du 28 octobre 1957 au 24 octobre 1960. Tel qu’on le sait, il fut défait par Jean Drapeau.

Parmi les promoteurs de la tenue de l’Expo 67 à Saint-François, on retrouve Joseph Bellefleur. Ce résident de Saint-François était un historien qui occupait la fonction de secrétaire de la « Corporation interurbaine de l’île Jésus ». Il venait d’être élu comme premier président de la « Société historique de l’Île-Jésus » qui deviendra plus tard la « Société d’histoire et de généalogie de l’île Jésus ».

À cet égard, Joseph Bellefleur s’active dans l’organisation des cérémonies soulignant le 325e anniversaire de la prise de possession de l’île Jésus notamment une messe célébrée par le cardinal Paul-Émile Léger à l’endroit où fut érigée la première chapelle. Lors de la tenue de cet événement historique, Bellefleur comptait annoncer que l’Expo 67 se tiendrait à Saint-François-de-sales. (Source : Revue de Terrebonne, 4 juillet 1963, page 1). Joseph Bellefleur apprit avec déception que Saint-François ne fut pas choisi. Sur la candidature de Saint-François, voici un texte paru dans La Presse du 1er novembre 1962 :

Exposition universelle d’expo 67

Un emplacement “idéal” pour l’Expo 1967 est proposé par Saint-François-de-Sales, de l’île Jésus, au confluent de la rivière des Mille-Îles, de la rivière des Prairies et du fleuve Saint-Laurent. Il offre un espace de plus de 2,000 acres. Le plan, que l’on appelle plan Roussin-dit-Bellefleur du nom de Joseph Bellefleur, historien local de l’île Jésus, est sur le métier depuis quatre ans et se place résolument dans une optique nationale pancanadienne. L’Expo, souligne M. Bellefleur, doit tout d’abord présenter un aspect culturel “national”. La loi CT27, ajoute-t-il, lui donne comme but de faire éclater l’unité canadienne.

En 1967, Saint-François-de-SaIes fêtera le 120e anniversaire de la paroisse et le tricentenaire de la prise de possession de l’île Jésus. Le problème de circulation est résolu, estiment les auteurs du projet, puisque l’emplacement disposerait des services des aéroports de Dorval et de Saint-Hubert, d’un service par voie d’eau qui serait organisé et d’un pont que l’on projette de construire pour assurer une liaison entre l’île Jésus et Montréal qui s’articule avec la route transcanadienne et celle de Lachenaie.

Lorsque le maire Drapeau a dit que l’Expo se tiendrait près du port de Montréal, M. Bellefleur estime qu’il pensait à Saint-François-de-Sales.

2.2  –  Candidature de Duvernay

En 1962, Duvernay est une municipalité en pleine expansion. Son maire, Maurice Joubert (1915-1991,) est le fils de Javier-Jacques Joubert, propriétaire de la célèbre laiterie J.J.Joubert. Cette famille possédait une vaste ferme modèle située à la limite avec Pont-Viau. Le terrain de cette ferme fut découpé en lots pour construire des bungalows de style californien. D’autres développements immobiliers se déroulent dans la partie sud de Duvernay ainsi qu’un centre d’achat. Cependant, dans la partie nord de ce territoire, de vastes terrains agricoles étaient encore disponibles. La tenue de l’Expo 67 apparut comme une occasion à ne pas rater. Le Petit Journal, dans son édition du 4 janvier 1959, à la page 41 présente le projet du maire Joubert d’y tenir l’Expo 67. Nous résumons ici cet article publié sous la plume du journaliste Alain Stanké :

« Il est à peu près certain que l’Expo 67 devrait avoir lieu à Duvernay, sur l’île Jésus. Les urbanistes de cette banlieue de Montréal ont réservé dans leur nouveau plan de zonage un terrain de dix milles carrés soit la même dimension que la ville de Paris. Ce terrain est situé au nord de la ville et englobe deux rangs pourvus de maisons typiquement canadiennes qui seront conservées pour donner à l’exposition un cachet. Duvernay est accessible par le train et les voies rapides. » 

Pour s’avancer ainsi, le maire Joubert avait certainement des informations crédibles provenant avec de gens bien placés; mais ça n’a pas été suffisant. On peine à imaginer ce que Laval serait devenu si l’Expo 67 avait été tenue sur notre île !

2.3  –  Projet de construction de deux ponts Bailey pour l’Expo 67

Le journal La Presse du 15 février 1967, à la page 3, nous informe d’un projet de construire deux ponts Bailey entre l’île Jésus et l’île de Montréal pour la durée de l’Expo 67. Voici l’article du journaliste Pierre Vennat :

«  Le service du génie de la ville de Laval a commencé hier l’étude d’un projet d’érection de deux ponts Bailey pour relier les villes de Laval et de Montréal pendant la durée de l’Expo. C’est le comité exécutif qui a résolu à l’unanimité de confier cette étude au service de génie, à la suite d’une rencontre entre les autorités de Montréal et celles des villes environnantes, dont celle de Laval, pour discuter des problèmes de circulation dans la région métropolitaine à l’occasion de l’Expo. C’est au cours de cette rencontre que germa l’idée de ponts Bailey entre Laval et Montréal pour faciliter le flot de voyageurs entre les deux rives.

On fit valoir en effet que les nouveaux ponts Cavendish et Papineau, dont les travaux ne sont même pas commencés, ne seront évidemment pas prêts avant plusieurs mois. Par ailleurs, on juge que le pont de l’autoroute, les ponts Lachapelle, Viau et Pie IX sont incapables de contenir tout le flot de voyageurs que l’Expo amènera. Il semble que toute la question en soit une de rentabilité. D’après les renseignements que nous avons, la question est de savoir s’il est possible, à un taux relativement bas, de se procurer de tels ponts. Des autorités militaires ou autres. Si oui, le projet ira de l’avant. Sinon, il sera abandonné.

Nos informateurs nous ont fait remarquer qu’un tel pont Bailey avait été utilisé avec succès lorsque le pont de Trois-Rivières est tombé il y a quelques années. Donc la chose est possible.

Quant à l’emplacement de ces deux ponts, on nage dans le mystère le plus complet. Au service de génie, on nous fait remarquer qu’il est bien beau de construire des ponts Bailey, mais encore faut-il des voies d’accès. Il est évident nous dit-on, qu’ils ne sauraient aboutir dans des ruelles. Par ailleurs, on a appris que le directeur de la police de Laval (Note : Léo Lequin) a soumis un rapport confidentiel au gérant de la ville (Note : Marc Perron) concernant l’emplacement de ces deux ponts. ………… »

Le pont Bailey est un pont préfabriqué portatif, conçu initialement pour un usage militaire et permettant une portée maximale de 60 mètres. Il n’exige ni outillage spécial ni équipement lourd pour sa construction, ses éléments sont assez petits pour être transportés par camion et le pont est assez solide pour autoriser le passage des chars. On le considère comme un modèle de génie militaire. Lorsque le pont Duplessis tomba dans la rivière Saint-Maurice en 1951. Durant les travaux de reconstruction, un pont Bailey assura la circulation entre Cap-de-la-Madeleine et Trois-Rivières entre les deux rives.

3  –  Histoire des îles Saint-Pierre et l’île aux vaches

En octobre 2020, Laval prenait possession de l’île aux Vaches et de sa voisine; l’île Saint-Pierre. Selon les archives de Saint-François-de-sales, l’île aux Vaches a déjà porté le nom « île aux érables ». Ces deux îles font partie de l’archipel Saint-François qui comprend une vingtaine d’îles situées entre Saint-François et Terrebonne. La plus connue est l’île Saint-Jean traversée par l’autoroute 25 et qui est devenue un quartier résidentiel. On sait que certains promoteurs immobiliers convoitent de construire des immeubles sur plusieurs îles de la rivière des Mille-Îles malgré leur grande valeur écologique et environnementale. Ces deux îles appartenaient à Terrebonne jusqu’en 1958 où Saint-François en prit possession à la suite de son incorporation comme municipalité. Plusieurs plans de lotissement furent présentés, mais aucun ne fut retenu. En 1961, la Ville de Terrebonne tenta sans succès de reprendre ce territoire. (Source : La revue de Terrebonne, 16 février 1961, page 1).

Grâce à la lecture de vieux journaux, voici une partie de l’histoire de l’île aux vaches :

Le Petit Journal, 20 juin 1948. Page 38

À L’ÎLE AUX VACHES, LES CULTIVATEURS DOIVENT FRANCHIR LA RIVIÈRE DES MILLE-ÎLES DANS UN PANIER SUSPENDU

« Ce n’est pas sans une certaine envie que les cultivateurs de l’île aux vaches, située à un mille de la ville de Terrebonne, apprennent que des fameux ponts Bailey sont installés ici et là dans la province. Car, pour se rendre sur la terre ferme, ils doivent traverser la rivière des Mille-Îles, au courant rapide, en utilisant à l’automne et au printemps une sorte de téléphérique rudimentaire. Trois personnes ont déjà failli y perdre la vie.

L’île aux vaches se trouve du côté nord de la rivière des Mille-Îles, à proximité de la route conduisant de Pont-David (Note : Bois-des-Filion) à Terrebonne. Elle a une longueur d’environ un mille et demi et une largeur d’un quart de mille. Elle est séparée de la terre ferme par une distance d’environ 400 pieds. Et sur cette île habitent cinq familles de cultivateurs, depuis plusieurs générations. Ce sont celles de M.M. Adrien Meunier, J. Labelle, Omer Gascon, Paul Legris et E. Willis.

Le sol de l’île est excellent pour la culture et la récolte y est très hâtive. On y fait spécialement de la culture maraîchère et on y garde des troupeaux de vaches ; certains cultivateurs possèdent plusieurs bêtes à cornes. Et chaque jour, ils ont un bon nombre de bidons de lait (de 8 gallons) à transporter chacun sur la terre ferme à destination de Terrebonne. Quand il fait beau, on se sert de bacs ou de chaloupes pour traverser la rivière. Mais quand il pleut, on utilise le téléphérique. Jusqu’à récemment, cet appareil de transport était constitué par une sorte de grand panier ou de petite cabane suspendue par deux roues sur un fil de fer tendu d’une rive à l’autre de la rivière. Sur chacune des rives, ce fil de fer était appuyé au sommet d’un poteau attaché à un pieu enfoncé dans une base de ciment sous la terre. Pour actionner ce panier ou cette cabane suspendue, on se servait d’une manche en bois muni de serres qui, suivant le mouvement du bras, se refermaient sur un autre câble d’acier plus petit et facilitait la traction. Installé au centre du panier, le voyageur aérien devait donc tirer et pousser ce bras servant de moteur, tout en gardant bien son équilibre. On devine les difficultés rencontrées dans ce mode de locomotion par temps de gel et surtout de verglas.

Aujourd’hui sur la ferme de M. Willis, on trouve un véhicule un peu plus perfectionné. C’est une cabane de 6 pieds de longueur sur 4,5 de largeur, suspendue par deux roues sur un gros câble d’acier solidement fixé sur chaque rive à des poutres de fer. Pour actionner le véhicule aérien, on se sert d’une manivelle faisant tourner une roue autour de laquelle est enroulé un autre petit fil de fer également tendu d’une rive à l’autre. Mais là encore, ce sont les bras humains qui servent de moteur. Pour descendre la pente du gros câble d’acier, tout va bien ; mais c’est plus dur quand il faut remonter de l’autre côté. Cette installation nouvelle coûte $2,500.

Jusqu’à l’an dernier, il y avait deux de ces paniers suspendus et dont on se servait depuis environ 20 ans. Au début du mois de mai, M. Edmond Meunier tomba dans la rivière avec une cargaison de 4 ou 5 bidons de lait placés dans son panier aérien. Le câble céda tout à coup et le véhicule suspendu plongea dans l’eau. M. Meunier perdit ses bidons de lait, mais il réussit à nager dans l’eau glacée jusqu’au rivage.

L’an dernier, encore vers le début de mai, un autre accident du même genre se produisit et faillit cette fois, avoir des conséquences tragiques. M. Sylvain Martin, fermier à l’emploi de M.E. Willis, et un forgeron de Terrebonne, M. Wilfrid Bélisle, avaient pris place dans le téléphérique. Alors qu’ils se trouvaient suspendus au milieu de la rivière, le câble céda et les deux hommes furent précipités dans l’eau, en une époque où le courant est extrêmement rapide et puissant. Les deux compagnons réussirent à s’agripper au petit câble servant à la traction du véhicule. M. Bélisle faillit se noyer, mais il fut sauvé à temps par des gens venus à son secours en bac. Quant à M. Martin, se rappelant ses expériences de commando, car il fit partie de l’armée canadienne outre-mer pendant cinq ans, il tenta de remonter à force de poignet le long du gros câble, mais le froid lui paralysait les mains. Il fut alors rescapé par des sauveteurs montés dans un yacht. « C’était un beau cadeau de noces », nous dit-il « car je venais de me marier à peine quatre jours auparavant. Inutile de dire que ma jeune femme était fort inquiète. Tout près d’où nous étions tombés, l’eau avait une profondeur de 18 pieds. Nous l’avons échappé belle ».

En hiver, les cultivateurs traversent sur la glace. Au printemps, à l’automne et l’été quand il pleut, on se sert du téléphérique pour se rendre à la messe et pour traverser chaque matin les enfants qui vont à l’école, car chaque famille de ces cultivateurs a de nombreux enfants. Au début, cette traversée cause à bien des gens une sorte de « mal de mer », surtout quand il y a gros vent ; mais on s’y habitue. L’été dernier, un groupe d’amis venus à l’île aux vaches réussirent à faire monter une jeune fille dans le panier suspendu, mais elle eut tellement peur qu’au milieu de la rivière, elle perdit connaissance.

Il va sans dire que les cultivateurs de l’île aux Vaches ont déjà entrepris des démarches pour obtenir un pont. Après les trois accidents déjà survenus, ils conservent toujours des craintes pour leur vie et celle de leurs enfants. La sécurité de ces gens exige donc qu’un pont soit construit à cet endroit. » Dollard Morin, journaliste.

4  –  L’île aux pruches et l’histoire des Lavigueur

À proximité des deux îles mentionnées précédemment se trouve l’île aux Pruches. Ce lieu est devenu célèbre lorsque Jean-Guy Lavigueur Image 6 Jean-Guy Lavigueur fit construire un château à la suite du gain de plus de sept millions lors d’un tirage de Loto-Québec, le 2 avril 1986. Les tribulations de cette famille Lavigueur sont par la suite entrées dans la culture populaire québécoise, pour diverses raisons :

  • une famille pauvre est devenue soudainement multi-millionnaire ;
  • un étranger a retrouvé le billet de loterie égaré par le père Lavigueur ;
  • une des filles du clan Lavigueur (Louise), seule membre de la famille à ne pas avoir participé à l’achat du billet gagnant, a poursuivi son père en justice pour toucher une fraction de la somme gagnée.


Les Lavigueur habitent le Centre-Sud, un quartier populaire et défavorisé de Montréal. Jean-Guy Lavigueur, contrairement à certaines rumeurs, n’était pas prestataire de l’assistance sociale. Il venait de perdre son emploi après avoir travaillé pendant 36 ans à la United Bedding Company qui fabriquait des matelas. Le père de famille élève ses quatre enfants, Sylvie, Yves, Louise et Michel, avec l’aide de son beau-frère Jean-Marie Daudelin, depuis la mort de la mère des enfants, Micheline Daudelin, décédée d’un arrêt cardiaque en 1983. Le couple avait eu également deux autres filles, Manon et Nancy, décédées en bas âge de problèmes cardiaques.

Quelques jours avant le tirage, Jean-Guy Lavigueur égare son portefeuille qui lui sera rendu par un certain William Murphy, de Vancouver en Colombie-Britannique, un homme récemment établi à Montréal et lui aussi chômeur.

Jean-Guy Lavigueur
Louise et Jean-Guy Lavigueur

Il retrouve et remet à son propriétaire le portefeuille contenant le billet de loterie qu’il savait gagnant. Lorsqu’il se présente au domicile des Lavigueur pour leur remettre le billet gagnant non signé, c’est le fils aîné de la famille, Yves qui le reçoit et lui refuse l’entrée, ne comprenant pas ce qu’il leur voulait, Murphy s’exprimant uniquement en anglais. Il reviendra une seconde fois pour rencontrer le père. Quand la chance te sourit…

Chaque membre de la famille achetait chaque semaine un billet de loterie et partageait ensemble les gains. Dans les semaines précédentes l’important gain, Jean-Guy Lavigueur avait expulsé de la maison sa fille Louise. La chicane père-fille n’ayant pas été résolue, elle fut donc exclue de la liste des gagnants. Les six nouveaux millionnaires furent : Jean-Guy, Sylvie, Yves et Michel Lavigueur, Jean-Marie Daudelin et William Murphy, avec qui les Lavigueur acceptèrent de partager le gros lot. En 1986, Louise Lavigueur, poursuit son père pour toucher une partie du gros lot.

Jean-Guy Lavigueur achète donc l’île aux Pruches et y fait construire un château comprenant dix-sept pièces. Deux autres maisons existent sur cette île et elles hébergent d’autres membres de la famille.

Tel que le mentionne l’adage « L’argent ne fait pas le bonheur », la vie des Lavigueur fut une suite de déchirements familiaux et d’épisodes surréalistes alimentés par les médias. Louise Lavigueur est décédée d’une insuffisance cardiaque le 7 septembre 1991, à l’âge de 22 ans. Elle s’était réconciliée avec son père. Jean-Guy Lavigueur a succombé à des problèmes respiratoires à la Cité de la santé, le 26 novembre 2000, à l’âge de 65 ans. Michel Lavigueur, père de deux enfants, est retrouvé par sa conjointe pendu le 11 février 2004, à Longueuil, à l’âge de 32 ans. Il se serait enlevé la vie par crainte d’être arrêté par l’escouade anti-motards de l’opération Ouragan dont l’objectif était de démanteler la cellule de Steven « Bull » Bertrand, un proche de Maurice « Mom » Boucher. Sylvie Lavigueur a ouvert un salon de coiffure. Son frère Yves a publié en 2000 un livre sur leur histoire et aidé à la réalisation d’une télésérie de six épisodes diffusés par la SRC en 2008.

À la suite du décès de Jean-Guy Lavigueur, l’île aux Pruches fut vendue aux Hells Angels. Des films pornographiques furent tournés dans le château. En 1997, elle fut saisie par le gouvernement comme bien provenant des fruits de la criminalité. En août 2000, le château fut détruit par un incendie criminel.

5  –  Conclusion

Je poursuis mes recherches sur l’ancienne municipalité de Saint-François et vous connaîtrez la suite dans le prochain Envol. J’espère que vous avez aimé ces quelques faits inédits.

Voici la réponse à la question piège : seulement 110 îles et îlots existent dans ce cours d’eau de quarante kilomètres de long. L’île aux Vaches, longue de 2,5 km, est la plus grande.