Le début de la fin ?

Le début de la fin ?

par Denis Bertrand

Avons-nous assisté au début de la fin des attaques contre nos régimes de retraite ? Nous avons tous été soulagés par le jugement qu’a rendu le 9 juillet dernier le juge Benoit Moulin de la cour Supérieur. Ce dernier, au paragraphe 552 de son jugement relatif aux différents recours contre la loi 15 « DÉCLARE inconstitutionnels, invalide et inopérant les articles 16 et 17 de la sous-section 2 «Retraités au 31 décembre 2013 » de la section III « Service antérieur au 1er janvier 2014 » du chapitre II « Restructuration des régimes de retraite établis par un organisme municipal » et de la dernière phrase « l’indexation de la rente des retraités au 31 décembre 2013 peut être suspendue conformément à la section III du chapitre II » du troisième alinéa de l’article 26 de la section I «Négociation », du chapitre IV « Processus de restructuration des régimes de retraite établis par un organisme municipal » de la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal.

En français cela signifie que la suspension des clauses d’indexation concernant les retraités au 31 décembre 2013, soit ceux ayant commencé à recevoir une rente avant le 13 juin 2014 tel que défini par la loi, est en clair illégale. Par contre cela ne donne aucun droit à tous ceux qui auraient pris leur retraite à compter du 13 juin 2014. Donc dans le contexte propre à nos régimes de retraite, un employé ayant pris sa retraite le 1er juin 2014 retrouve ses droits ce qui n’est pas le cas d’un employé ayant pris sa retraite le 1er juillet 2014. L’explication fournie dans le jugement est qu’un employé encore actif au 13 juin 2014 peut, par l’entremise de ses représentants, espérer changer ses conditions de retraite dans le futur.

On voit bien que ce raisonnement est fallacieux, les conditions de retraite des employés actifs au sens de la loi 15, n’ont jamais pu être modifiées pour rétablir l’indexation de leurs rentes dans les années qui ont suivi l’instauration de la loi. Pour être équitable, en supposant que les employés actifs ont un réel pouvoir d’améliorer leurs régimes de retraite par la négociation dans le contexte social actuel, le jugement aurait dû étendre ce rétablissement de l’indexation à tous ceux qui ont pris leur retraite avant le 9 juillet 2020.

On doit s’attarder maintenant au paragraphe 554 du jugement qui spécifie que le juge « DEMEURE saisi du dossier sur les demandes en réparation en faveur des retraités ». On se rappelle que les procédures entamées ont été scindées en deux. Le jugement sur la constitutionnalité de la loi 15 et le cas échéant celui sur les paiements découlant d’un jugement favorable aux participants. C’est cette partie du litige qui fera l’objet d’un autre jugement qui statuera sur les sommes dues aux retraités en vertu du présent jugement.

C’est là où le bât blesse. Les parties pourront faire des représentations concernant les réparations dont pourront se prévaloir les retraités. Est-ce que les municipalités attendriront le juge en faisant valoir que la pandémie a durement affecté leur finance et qu’un paiement rétroactif est impossible, seul un ajustement du niveau de rente, compte tenu de l’inflation constatée depuis la promulgation de la loi, serait possible. Et encore cet ajustement serait-il complet ou partiel ?

On se rappelle que la suspension de l’indexation telle que présentée à l’assemblée annuelle du 21 novembre 2017 nous informait que la réduction du déficit s’élevait à 10,2 $ millions. Si le rétablissement complet de l’indexation était en vigueur, il entrainerait un déficit de la même valeur qui serait payé sur 15 ans par l’employeur. Ceci représenterait une somme annuelle d’environ 1 million soit 0,00108 ou 0,108 % du budget 2020 de la Ville de Laval, lequel s’élève à 921,4 millions. Personne de sensé ne croirait que c’est une charge déraisonnable pour les contribuables.

Il ne faut pas non plus oublier que les municipalités ou le procureur général du Québec peuvent porter le présent jugement en appel, ce qui retarderait d’autant un futur paiement. Normalement au moment où j’écris ces lignes le délai d’appel est dépassé, mais en raison de la pandémie, il semblerait que celui-ci, normalement de 30 jours a été prolongé. Nous vous tiendrons au courant de l’existence ou non d’un appel nous concernant.

Je me dois aussi de rappeler à tous que les clauses d’indexation des différents groupes d’employés ne sont pas identiques et que celles-ci ont évoluées à travers le temps. Il est donc possible que le rétablissement complet de l’indexation n’ait pas la même valeur monétaire pour tous.

Message d’intérêt public

Le Bureau du régime de rentes m’a indiqué, après la date de parution du numéro précédent de l’Envol, que le document intitulé: « Validation et mise à jour des renseignements à votre dossier de prestataire », sera distribué ultérieurement à certains retraités sur une base aléatoire. Afin d’assurer l’exactitude des paiements de rentes, il est important que chacune des personnes concernées complète ce document et le retourne au Bureau du régime de rentes. Je vous remercie de votre collaboration à cet effet.

ÉTAT DE SANTÉ DU RÉGIME DE RETRAITE DES EMPLOYÉS DE LA VILLE DE LAVAL

Le rétablissement qui a marqué les marchés au cours du second trimestre a été aussi spectaculaire que leurs chutes du premier trimestre de 2020. J’ai donc établi le degré de capitalisation approximatif au 30 juin dernier à partir des données du 31 mars dernier auxquelles j’ai ajouté le rendement médian de 1,4 % constaté dans l’univers des caisses de retraite de RBC pour le trimestre terminé le 30 juin 2020.

On s’aperçoit alors que le surplus envisagé au 31 décembre 2019, soit 29,6 $ millions, a été réduit à 16,8 $ millions, trois mois plus tard. Cette situation sans être idéale est fort viable et ne devrait pas justifier les jérémiades excessives de certains représentants de l’employeur. D’autant plus qu’un portefeuille d’action a fait environ 9 % entre le 30 juin et le 17 août. Nos régimes de retraite sont donc en bonne position pour affronter le futur.

REMERCIEMENTS

Cette chronique est la 28e que l’Association des employés retraités de la Ville de Laval m’a permis d’écrire pour vous. Je les en remercie, je remercie aussi tous ceux qui ont communiqué avec moi pour me soumettre des idées ou me poser des questions concernant l’univers des régimes de retraite. Il est temps pour moi de céder la place à d’autres chroniqueurs qui sauront vous entretenir de sujets qui vous intéresseront tout autant que mes chroniques. Je demeure à la disposition de l’association pour commenter les futurs développements juridiques de notre dossier et répondre à des questions qui vous tiennent à cœur. Mon adresse de courriel est : denisbertrand02@bell.net et elle n’est utilisé que pour les retraités de la Ville de Laval. Ceci n’est pas un adieu, juste un au revoir et surtout n’oubliez jamais : ensemble nous sommes plus forts!

(Septembre 2020)