L’habitude

L'habitude

par Denis Bertrand

Si certains d’entre vous ont l’impression que l’auteur de ces lignes se répète, qu’ils m’en excusent. Le gouvernement prend un malin plaisir à être aveugle à la réalité et à mentir à la population en toute connaissance de cause. En effet nous pouvons remercier Radio-Canada de nous avoir appris le 10 février que le gouvernement du Québec avait surévalué l’ampleur des déficits des régimes de retraite de 1,3 milliard soit une surestimation de 50 % de la valeur de ceux-ci. Contrairement aux prétentions du ministre Moreau, le déficit accumulé des régimes de retraite municipaux s’établit au 31 décembre 2013 à 2,6 milliards et non pas 3,9 milliards. Cette somme a été mentionnée par le ministre lors du dépôt du projet de loi 3, tel qu’indiqué dans cet article. Radio-Canada a continué son bon travail en questionnant le ministre sur l’évolution de la situation des régimes de retraite à lumière de ces nouvelles informations. Ce dernier a continué de s’enfermer dans une logique d’aveuglement volontaire. Il a prétendu que cette amélioration de la situation n’était le fait que des régimes pleinement capitalisés. Cette énormité ne résiste pas à l’analyse des faits indiquée dans ce second article.

Sans se pencher sur les chiffres mentionnés par Radio-Canada, n’importe qui doté d’un minimum d’intelligence et de connaissance dans le domaine des régimes de retraite en arrivait à une conclusion différente. En effet les firmes d’actuaires divulguent gratuitement les chiffres de performance de l’industrie des régimes de retraite, donc tous ceux désireux de connaître la situation des régimes de retraite avaient cette information en main. Les régimes de retraite ayant réalisé un rendement d’environ 12 % en 2013 et l’hypothèse de rendement ne pouvant pas excéder 6 %, tous peuvent donc voir que le rendement excédentaire dégagé en 2013 réduisait sensiblement les déficits des caisses de retraite. De plus les régimes de retraite, bien qu’offrant des bénéfices différents, ont des passifs qui évoluent règle générale de façon similaire. De même les politiques de placement tout aussi différentes, produisent des rendements qui vont dans la même direction. Donc on peut conclure que l’ensemble des régimes de retraite et non seulement les mieux capitalisés avaient réduit leurs déficits à la fin de 2013 comparativement à la situation existante au début de cette année. Ce qui rejoint la conclusion de Radio-Canada.

Maintenant d’où le ministre prenait-il ses chiffres ? De la Régie des rentes du Québec ! Celle-ci comptait 1 267 employés au 31 décembre 2013, dont une quantité significative d’actuaires et d’analystes financiers. Ces derniers ne pouvaient ignorer l’amélioration de la situation des régimes de retraite résultant des résultats de l’année 2013. Tous ceux d’entre nous qui ont travaillé dans le domaine des chiffres savent qu’établir des prévisions est un exercice difficile. Cependant un écart de 50 % de la part des professionnels de la RRQ est peu crédible. On peut donc légitiment croire que le ministre a, au mieux, choisi d’ignorer la réalité pour atteindre ses buts politiques ou au pire mentit pour le bien de la population. Il faut croire que mentir est une habitude difficile à se débarrasser. De toute façon rappelons-nous que nous ne sommes pas les seules victimes de l’honnêteté discutable de ce gouvernement qui avaient dit en campagne électorale qu’il annulerait la hausse des frais de garderie de 7 $ à 9 $, ce qu’il a fait, pour les établir à 7,30 $. Il a cependant haussé subséquemment ceux-ci de sorte qu’ils pourraient atteindre un montant de 20 $ pour certains contribuables. Et après on se plaindra que les gens perdent confiance dans les politiciens. C’est le contraire qui serait une attitude suicidaire.

LE BAROMÈTRE DU RÉGIME DE RETRAITE DES EMPLOYÉS DE LA VILLE DE LAVAL

Compte tenu des remarques du début de ce texte, il était d’autant plus important de mettre à jour le baromètre de notre régime de retraite en date du 31 décembre 2014. En utilisant la même méthodologie que précédemment, j’ai élaboré un estimé du taux de capitalisation à partir des informations publiques de notre régime de retraite, notamment le rapport présenté par la Ville de Laval à l’assemblée spéciale du conseil du 19 janvier dernier. Selon ces calculs, notre taux de capitalisation s’établissait environ à 86,4 % au 31 décembre 2014 comparativement au taux de 68,8 % au 31 décembre 2012.

Vous remarquerez que la valeur de 86,4 % est très proche de celle projetée au 31 décembre dans le dernier numéro de l’Envol soit 86,0 %. Le jour n’est pas très loin où nous atteindrons le seuil de 90 % de capitalisation, signe indéniable que tout ce psychodrame au sujet des régimes de retraite était nettement exagéré. D’ailleurs si on effectuait une évaluation actuarielle au 31 décembre 2014, on obtiendrait un coût annuel du déficit d’environ 50 % du coût au 31 décembre 2012. On doit aussi noter que le rendement approximatif des caisses de retraite durant le seul mois de janvier 2015 s’établit à environ 5,0 %. Ce bon début d’année ne se prolongera pas durant toute l’année, mais je n’ai aucune raison de croire que nous n’atteindrons pas ou même dépasserons, notre hypothèse actuarielle cette année. Ceci réduira encore un peu plus le déficit. Quel dommage que cette vérité semble si incroyable pour notre bon gouvernement !

(Mars 2015)