L’honnêteté intellectuelle et la crise financière

L'honnêteté intellectuelle et la crise financière

par Denis Bertrand

Cette chronique a pour but de vous informer sur les discussions publiques concernant la situation des régimes de retraite y compris le nôtre.

L’honnêteté intellectuelle est une des qualités que j’apprécie le plus. Malheureusement elle fut la première victime de la crise financière de 2008 à tout le moins en ce qui a trait à la santé des régimes de retraite. Laissez-moi vous l’expliquer en trois points et pardonnez-moi l’aridité de mes propos. Premièrement on a maintes fois répété que la crise financière de 2008 était prévisible et que celle-ci pouvait se répéter à moyen terme. On laissait ainsi entendre que les rendements à long terme ne pourraient pas atteindre les hypothèses actuarielles et qu’il fallait à tout prix réduire les rentes futures et même celle déjà versée comme certains politiciens l’ont mentionnés récemment. Or en ce qui a trait aux rendements, la chute du Dow Jones survenue en 2008 -2009 n’avait pas de précédent depuis la période 1929-1932. De plus cet indice a déjà surpassé son sommet de 2008. Les problèmes financiers liés aux rendements à long terme sont donc nettement exagérés, comme l’ont démontré les résultats récents des caisses de retraite.

L’honnêteté intellectuelle et les déficits actuariels de capitalisation

Les données suivantes proviennent des présentations aux différentes assemblées annuelles de notre régime de retraite. Au 31 décembre 2006, le déficit actuariel s’établissait à 4 millions soit environ 0,5 % du passif. Au 31 décembre 2009 il avait atteint la somme de 231 millions, puis au 31 décembre 2012 finalement le déficit se chiffrait à 374 millions soit 31 % du passif.

Maintenant, décortiquons ce chiffre en trois composantes. En six ans les pertes de rendement, principalement dues à l’année 2008, se chiffrent à 135 millions tandis que les modifications aux hypothèses actuarielles atteignent à une valeur de 175 millions et que les améliorations au régime sont de l’ordre de 57 millions. Les modifications aux hypothèses actuarielles ne résultent pas des demandes des participants, mais représentent des ajustements qui auraient probablement dû être faits bien avant et non pas représenter un coup de massue actuariel. On doit aussi se questionner sur les améliorations au régime accordé après la catastrophe de 2008 ou peut-être conclure que celle-ci n’était pas si désastreuse lorsque l’on considère les rendements dans une perspective à long terme.

L’honnêteté intellectuelle et les opinions divergentes

Certains chroniqueurs ont cependant fait remarquer que la situation bien que sérieuse n’était pas le désastre que certains roitelets, dont Régis 1er et Gilles 1er , ont décrit. En juillet 2013 Fred Vettese, chef actuaire chez Morneau Shepell, écrivait un article dans la revue Benefits Canada intitulé : « Le pire est peut-être passé pour les régimes de retraite à prestations définies », dans lequel il indiquait brillamment les améliorations qu’il anticipait pour ces régimes. Le 2 janvier 2014, le site Argent publiait un article intitulé : « La santé des régimes de retraite s’améliore ». Dans ce texte, on rapportait une étude de la firme Mercer établissant que 40 % des régimes sont maintenant pleinement capitalisé comparativement à 6 % au début de 2013. Finalement, le 20 janvier 2014, Francis Vailles dans La Presse écrivait : « Retraite : Hydro efface son déficit de 4,6 milliards » dans cet article il expliquait l’amélioration de la situation chez Hydro-Québec et au Mouvement Desjardins.

Notre situation

Maintenant qu’en est-il de notre situation. Si l’on suppose que les modifications aux hypothèses sont suffisantes et qu’aucune amélioration au régime ne survient, le déficit évolue de la façon suivante : à la somme de 374 millions s’ajoutent des intérêts de 22 millions et est soustrait la cotisation d’équilibre de 66 millions versée en 2013 et le gain sur le rendement de l’actif par rapport à l’hypothèse actuarielle pouvant être évalué à approximativement 60 millions. Nous obtenons donc un déficit d’environ 270 millions sur un passif total de plus de 1200 millions. Notre situation s’est donc sensiblement améliorée en un an, alors que l’on entrevoit avec confiance l’année 2014.

En terminant, je ne saurais passer sous silence l’attitude compréhensive et respectueuse du nouveau maire, Monsieur Demers, à l’égard des participants au régime de retraite, tant à l’occasion de son allocution lors du dîner des retraités que lors d’une conversation privée que j’ai eue avec ce dernier.

(Mars 2014)